Enfin loin de chez elle [James]

Après avoir passé l’été le plus horrible de toute sa vie, Heather retrouvait enfin Lashlabask. Elle était plus qu’heureuse d’être parti du manoir familiale pour retrouver l’école de sorcellerie qu’elle considérait depuis maintenant plus de cinq ans, un peu comme sa maison. Chez elle, avec ses parents, c’était le cauchemar incessant. Elle ne pouvait jamais faire ce qu’elle voulait, elle devait obéir à leur ordre, faire ce qu’il voulait, ne jamais faire un pas de travers. Elle se sentait prisonnière. Alors qu’ici, à l’école, elle était plus ou moins libre. Elle faisait ce qu’elle voulait, ou presque. Elle n’obéissait qu’aux professeurs. Bizarrement, elle considérait même cela comme normal. Cependant, lorsqu’il s’agissait des autres élèves, Heather prenait un malin plaisir à les prendre de haut, à les considérer comme des moins que rien, à les ridiculiser et à leur faire regretter d’avoir croisé son chemin. Certes, elle ne les attaquait jamais sans raison, mais pour la jeune fille, qu’est-ce qu’une raison ? Il suffit d’un simple regard trop insistant ou encore d’un coup de coude involontaire pour qu’Heather s’attaque à quelqu’un. Après, cela se fait en fonction de son humeur. Si vous avez un peu de chance, elle vous fusille du regard et laisse passer, mais si au contraire, elle est dans ses mauvais jours, elle n’hésite pas à sortir sa baguette. Et aujourd’hui, l’élève de Serdaigle qui venait de la bousculer avait plutôt de la chance. Il se trouvait qu’Heather était d’assez bonne humeur.

Effectivement, la journée s’était plutôt bien déroulée pour la jeune Serpentard. Elle n’avait commencé qu’à dix heures et lors de son tout premier cours de l’année, elle avait eu le plaisir de voir des élèves de Poufsouffle et de Gryffondor se faire rabaisser par le professeur d’Histoire de la Magie alors que le cours avait à peine démarré. Et si il y avait une chose qui rendait heureuse la jeune fille, c’était bien ça. Voir les autres se faire humilier, rabaisser, ça lui procurait un certain plaisir. Mais ce qui était encore plus amusant, c’était de le faire elle-même. Cependant, elle n’en avait pas encore eu l’occasion depuis le début de la journée, et elle espérait bien que ça arrive rapidement. Tandis qu’elle imaginait ce qu’elle pourrait faire à la prochaine personne qui le mériterait, elle descendait les escaliers menant au hall d’entrée. Elle avait besoin de se rendre dans le parc pour prendre un peu l’air. Après tout, autant profiter du soleil tant qu’il était encore là, puisque bientôt, l’hiver arriverait, amenant avec lui la neige et le froid. Alors qu’elle posait les pieds sur les dalles de pierre du hall d’entrée, quelqu’un la bouscula légèrement. La jeune fille se retourna brusquement, faisant voler ses longs cheveux bruns en une courbe des plus parfaites. Ces rapides demi-tour, Heather avait appris à les faire à la perfection. A force de se retourner dès que quelqu’un la frôlait, elle savait désormais le faire avec classe et élégance, ce qui en général, ne laissait pas ses victimes masculines indifférentes. Mais elles n’avaient pas de chance, Heather ne prenait pas la peine de se retourner pour leur offrir un charmant sourire. Et c’est un regard noir et glacial qu’elle offrit à l’élève de première année de Serdaigle qui se trouvait en face d’elle.

Elle se rappelait très bien de lui. Lorsque la veille, on l’avait appelé pour qu’il soit réparti, le jeune homme s’était avancé sur l’estrade très timidement. Il n’avait pas l’air très à l’aise, et Heather n’avait pas pu s’empêcher de lancer une petite remarque désagréable à son sujet, sachant d’avance qu’il n’aurait pas sa place à Serpentard. La façon dont il regardait autour de lui, son air inquiet et ses gestes en eux même, tout indiquait qu’il venait d’une famille de moldu. Il fallait ne jamais avoir entendu parler de l’école auparavant pour être aussi pétrifié. Il fut finalement envoyé à Serdeigle, et Heather le suivit des yeux d’un air méprisant, jusqu’à ce qu’on passe à l’élève suivant, qui lui, regagna la table des Serpentard sous un tonner d’applaudissement et le regard satisfait de la jeune fille. Le nouveau Serdaigle avait croisé le regard d'Heather, et on peut dire qu’il n’en avait pas eu l’air très enchanté. Alors se retrouver face à elle au milieu du hall presque désert, son regard glacial le fixant avec intensité, il y avait de quoi prendre ses jambes à son cou. Le jeune garçon ne se fit pas prier. Il fit demi-tour, et monta les marches en courant. Heather sourit. La rentrée venait tout juste d’avoir lieu que déjà, les élèves de première année étaient terrorisés à l’idée de la croiser. L’année promettait d’être intéressante.

Elle lâcha sa baguette dans la poche de son jean. Après tout, jouer avec un première année, ce n’était pas bien passionnant. Il manquait bien trop d’expérience. Elle le suivit cependant du regard, et voyant qu’il trébuchait sur la dernière marche, elle sourit d’un air mauvais. Elle se souviendrait de lui. Dans quelques mois, il aurait l’honneur d’être une autre des nombreuses victimes de sa baguette. Mais pas tout de suite. Ce serait bien trop amusant de le voir espérer contrer ses sortilèges, et encore plus stupide, la vaincre. Elle aimait s’attaquer aux premières années. Les humilier, leur donner la sensation d’être incompétents, l’impression qu’ils perdent leur temps, que jamais ils n’arriveront à son niveau, tout ça, ça lui fait plaisir. Mais s’attaquer à plus grand, c’est bien plus drôle. Bien plus humiliant pour eux. Elle secoua légèrement la tête. Quelqu’un allait-il enfin lui donner une raison de lui lancer un sortilège ? Apparemment non. La jeune fille soupira. Cette première journée manquait grandement d’action. Elle poussa un petit soupir et se retourna en direction de la grande porte de chêne. A la base, elle avait l’intention d’aller au parc, alors pourquoi changer d’avis ? Elle fit quelques pas et c’est alors qu’elle se rendit compte de la présence de l’une de ses connaissances. James. L’une des seules personnes à Poudlard, à qui elle donnait le qualificatif d’ami. Ils se ressemblaient beaucoup tous les deux. Ils aimaient pratiquement les mêmes choses, et détestaient les mêmes. La jeune fille lui sourit. Un sourire sincère. Quelque chose de très rare de sa part. Elle s’avança vers lui, un air malicieux dans les yeux. « James. » Dit-elle sur un ton feignant la surprise. « Je ne m’attendait pas à te croiser ici. A ce moment de l’année n’es-tu pas censé t’occuper des petits nouveaux ? Aussi bien de chez nous que de chez nos chers … camarades si je puis dire. » Ajouta-t-elle avec ironie. Et oui, James était préfet, il était donc de son devoir d’aider les nouveaux. Pour ceux de Serpentard, il le faisait avec plaisir la plupart du temps. Après tout, il est important de s’occuper de ses futurs remplaçants. Quand à ceux des autres maisons, notamment des sang-de-bourbe, il était bien plus amusant de leur faire peur dès le début histoire qu’ils comprennent que leur place n’était pas à Poudlard. Heather ne comprenait pas pourquoi on les acceptait à l’école. Ils ne servaient à rien. Ils encombraient la société. Il était bien plus utile de former des vrais sorciers, ceux aux sang-pur, ceux qui seront vraiment efficaces.

Heather repensa à ce stupide Serdaigle. Ah ces sang-de-bourbe ! D’aucune utilité. Quoique, Heather était bien contente de les avoir sous la main lorsqu’elle avait besoin de se défouler un peu. Après tout, si ils n’étaient pas à l’école, sur qui pourrait-elle faire passer sa mauvaise humeur et satisfaire son envie d’action ? Les sang mêlés ? Oui, sûrement, même si ça deviendrait beaucoup moins amusant. Quoiqu’il en soit, d’après la jeune fille, les sang-de-bourbe n’avaient rien à faire à Lashlabask. Après tout, l’école n’était-elle pas censé former de bons sorciers ? Oui, c’était bien le but de cet établissement, et parfois, Heather se demandait si le directeur ne l’avait pas un peu oublié en acceptant des enfants de moldus. Surtout avec la menace qui planait sur le monde des sorciers depuis quelques temps. Menace ? La Serpentard ne voyait pas vraiment cela de cette façon. D’ailleurs, elle ne savait pas encore quel côté elle rejoindrait lorsqu’il serait nécessaire de choisir son camp. Le bien ? C’était loin de lui convenir. Le mal ? Ce n’était pas non plus ce qu’elle considérait comme le mieux. Lequel alors ? Son propre camp ? Peut être.

La jeune fille n’était pas du genre à se plier à des règles qu’elle n’approuvait pas. En rejoignant le nouveau mage noir qui se faisait petit à petit un nom dans le monde des sorciers, elle devrait lui obéir sans discuter. Et si au contraire, elle se ralliait à l’Ordre du Phoenix, elle devrait respecter leurs règles, mais surtout, collaborer avec des sang-de-bourbe. Et ni l’un ni l’autre ne lui convenait. D’ailleurs, ces deux possibilités n’étaient même pas envisageables pour la Serpentard. Alors que ferait Heather une fois ses études terminées ? Une fois qu’elle devrait choisir son camp ? Elle ne savait pas encore très bien, même si elle avait une petite idée sur la question. Mais elle laissait planer le doute, se montrant parfois favorable à l’Ordre du Phoenix, d’autre fois désapprouvant leurs actions, ou encore félicitant parfois celles de Lady Smethley ou les critiquant. Personne ne savait rien sur ses réelles intentions. Personne. Et elle n’était pas prête de dévoiler à quiconque ni ce qu’elle voulait ni ce qu’elle pensait. Le mystère c’était bien plus inquiétant pour les autres, et pour elle, beaucoup plus amusant, beaucoup plus intéressant.

Elle était face à James, un jeune homme, plutôt mignon, mais surtout intéressant. Son caractère plaisait énormément à Heather. Pourquoi ? Simplement parce qu’il était proche du sien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dès sa première année, elle alla plus facilement vers lui que vers d’autre Serpentard. Sans oublier que comme elle, il venait d’une famille de sang-pur, des gens respectables et riches. Tout ce qu’Heather considérait comme digne d’intérêt. Elle avait donc sympathisé avec lui, et il avait depuis quelques années, l’honneur de faire parti de sa très restreinte liste d’amis. Cependant, être l’ami d’Heather, ça ne voulait pas dire tout partager. C’était parler, de choses sérieuses, d’autres moins importantes, parfois même se confier à propos de certains sujets qui lui paraissaient banals, mais pas plus. Même à un ami, Heather n’allait pas raconter sa vie avant Lashlabask, elle n’allait pas lui dire comment elle se sentait, ni ce qu’elle pensait, encore moins ce qu’elle voulait.

Le mystère. Elle en était totalement entourée. Ca planait autour d’elle comme des nuages, mais personne ne pouvait les traverser. Ils étaient infranchissables, faits de glace. Même James ne savait pas grand-chose sur elle. Plus que la majorité de l’école certes, beaucoup plus même, mais pas assez pour pouvoir s’en servir contre elle. La méfiance. Heather en était pleine. Sa confiance, elle ne l’avait accordé entièrement qu’à une seule personne, elle-même. Les autres, ils pouvaient la trahir, elle ne pourrait jamais être sûre de leur fidélité. C’est pourquoi elle se méfiait et ne leur disait rien qu’ils puissent un jour, utiliser contre elle. Cependant, James avait réussi à fragiliser cette barrière qui empêchait Heather de faire confiance. Après six ans passés en sa compagnie, la jeune fille commençait à penser qu’elle pouvait compter sur lui. Elle lui avait accordé une infime partie de sa confiance, infime, mais énorme si on considère qu’il est l’un des seuls à l’avoir. Petit à petit, sans qu’elle s’en rende compte ni qu’il le sache lui-même, il avait prit une place importante dans sa vie.

Après lui avoir dit quelques mots sur un ton ironique tout en fusillant du regard le Gryffondor qui passa près d’elle, Heather eut droit à un sourire de la part du jeune homme. Ce même sourire qu’il offrait à la plupart des filles et qui avait pour effet de les faire fondre. Elles devenaient plus dociles et lui faisaient les yeux doux, espérant peut être avoir droit à plus. Mais Heather n’était pas de ces filles là. James l’avait bien compris. Cependant, ça ne l’empêchait pas de lui servir ce genre de sourire lorsqu’il la croisait dans les couloirs. La jeune fille restait insensible à cette forme de drague, d’ailleurs, elle était insensible à toutes formes de drague, du moins en apparence. Jamais elle ne montrait à un garçon qu’il lui plaisait, même si elle le considérait comme le garçon le plus craquant de toute l’école. De toute façon, elle n’avait pas besoin d’eux pour se sentir bien. Elle savait qu’elle était attirante, qu’elle en faisait rêver plus d’un, et le fait de leur être inaccessible lui faisait plaisir. Laisser les gens espérer, et détruire tous leurs espoirs, elle adorait ça. Réellement ? Non pas tout à fait. Pour être sincère, elle le faisait pour une seule raison, se venger de ses parents qui avaient joué à ce petit jeu avec elle. Ce n’était pas eux ses victimes, mais peut importe, ça lui faisait du bien et c’était l’essentiel.

Heather ne prêta aucune attention au sourire de James, du moins elle ne lui montra aucune réaction. Pas comme toutes ces imbéciles qui auraient viré au rouge pivoine. Elle garda un visage impassible, comme toujours. Après tout, ce sourire, il le lançait à beaucoup de fille, il n’était pas unique, pas comme le sien. James était l’un des seuls à y avoir droit, elle espérait qu’au moins, il réalisait à quel point il était privilégié. Elle écouta les paroles du jeune homme. Alors comme ça, il avait commencé à apprendre les règles de l’école, ou du moins les règles des Serpentard à ce petit Serdaigle. C’était une bonne nouvelle. « Je voie que tu prends tes fonctions à cœur. » Dit-elle d’une voix satisfaite « C’est bien. » Ajouta-t-elle d’un air approbateur après avoir marqué une courte pause. Parfois, elle regrettait de ne pas être préfète. Elle ne pouvait pas user de la même autorité que James sur les autres élèves. Cependant, le fait de ne pas avoir cette responsabilité lui était tout de même bénéfique. Au moins, elle n’avait aucun compte à rendre à ses professeurs à propos de ses attitudes.

Comment se passait sa rentrée ? Plutôt pas mal, quoiqu’un peu ennuyante depuis le début de la matinée. Aucune victime à son goût. Il faut dire qu’Heather était loin d’être une cliente facile (xD). La jeune fille avait des envies précises pour sa première victime de l’année, et il fallait croire qu’elle était bien cachée au fin fond du château. Aurait-elle deviné que quelqu’un de mal intentionné lui tomberait dessus si elle sortait de sa cachette ? Oui, c’était sûrement cela. Elle regarda le jeune et lui dit avec beaucoup de regret, un sourire malicieux au coin des lèvres. « La rentrée se passe plutôt bien pour le moment, mais malheureusement, je n’ai pas eu la chance de trouver une victime à mon goût. Tu penses bien que pour celle qui aura l’honneur d’être la première que je terroriserais cette année, il me faut trouver la perle rare. » Et pour son plus grand déplaisir, Heather ne l’avait toujours pas croisé, et elle commençait à se demander si avant la fin de la journée, elle aurait de quoi s’amuser sous la main. Un jeune Gryffondor passa près d’elle et la regarda furtivement. La jeune fille le fusilla du regard. Il se croyait assez important pour avoir le loisir de la regarder ? Il rêvait le pauvre. Une chance pour lui qu’elle était en pleine conversation avec James, sinon, il aurait eu droit à sa baguette. Heather reporta son attention sur le joli blond et lui demanda avec un sourire « Et de ton côté, comment se passe la rentrée ? ». Elle haussa légèrement un sourcil, se doutant de la réponse, puis elle ajouta avec malice « Personnellement, je pense que l’année promet d’être intéressante … ».

Heather avait pour habitude de ne jamais se précipiter. La réflexion d’abord, l’action ensuite. C’était le genre de fille qui pesait le pour et le contre avant de prendre une décision, qui imaginait les conséquences de ses actes sur son avenir, qui réfléchissait à ses paroles avant de les prononcer. La spontanéité, elle ne connaissait pas. Ce n’était pas l’opinion des autres qui la freinait, elle se fichait bien de ce qu’on pensait d’elle, et de toute façon, elle le savait plus ou moins. On la détestait, mais on l’enviait. On la critiquait, mais on l’admirait. On ne la supportait pas et pourtant on voulait la croiser. Une suite complexe et très paradoxale qui ne cessait de se faire plus grande au fil des années. Mais Heather s’en fichait bien. Cependant, quelques fois, elle se servait de cela pour s’amuser. Laisser croire à quelqu’un qu’elle l’appréciait pour mieux pouvoir le manipuler. Se montrer intéressé par un garçon pour finalement refuser ses avances au dernier moment. C’était le genre de chose qui la mettait de bonne humeur. Pourquoi était-elle comme ça ? Ses parents. Ils avaient voulu s’amuser et bien ils allaient être servi. Parce que si jusqu’à maintenant elle ne s’en prenait qu’aux autres élèves, dès que pour elle, Lashlabask serait terminé, ils auraient droit eux aussi à de magnifiques souvenirs de la part de leur fille.

Ce n’était donc pas ce qu’on pouvait penser d’elle qui empêcher Heather d’être spontané. C’était quelque chose de totalement différent. Le fait de peser ses paroles, d’y réfléchir et de les modifier si elle se rendait compte qu’elles pouvaient lui porter préjudices, c’était une façon de se protéger. Ainsi, elle était sûre de ne jamais dire de bêtise, de ne jamais dévoiler par erreur quelque chose d’important, de ne jamais laisser les autres pénétrer à l’intérieur d’elle-même. Elle restait secrète. Depuis sa première année à Lashlabask, elle agissait de cette façon. Quand on lui posait une question, elle mettait un petit moment avant de répondre, pareil quand c’était elle qui parlait la première. C’était une armure. Une armure qui la rendait encore plus confiante, qui lui permettait de se sentir intouchable et protégé. Elle ne l’était pas assez peut être ? Sûrement que si, elle n’avait pas en plus besoin de ça. Et pourtant, elle veillait à ne jamais cesser de fonctionner ainsi. James le savait. Depuis six ans, elle était toujours pareil. Elle vous observait pendant quelques secondes, puis finalement, elle parlait. Parfois, elle disait quelque chose à laquelle vous ne vous attendiez pas du tout, d’autre fois, au contraire, vous vous doutiez qu’elle répondrait ainsi. Mais la plupart du temps, Heather était imprévisible. Autant dans ses actions, que dans ses paroles.

Cependant cette fois-ci, elle mit un peu plus de temps que d’habitude à répondre à James. En général, moins de trente secondes lui suffisaient pour savoir ce qu’elle pouvait dire ou non. Et là, ça faisait plus d’une minute qu’elle était silencieuse. A quoi songeait-elle ? A ce satané Serdaigle, aux sang-de-bourbe, et à son avenir dans le monde de la magie. Mais c'est cette dernière question qui la tracassait plus que les autres. Un jour, il faudrait bien qu’elle sache quel camp elle allait rejoindre. La plupart des Serpentard avaient déjà fait leur choix, Heather le savait. La jeune fille ne parlait pas beaucoup, mais ça n’empêchait pas certains de ses camarades d’être bavards comme des pies, et elle, d’avoir des oreilles. Les avis étaient partagés. Le sien aussi. Elle leva les yeux vers James. Elle se demandait bien ce que lui, il avait l’intention de faire. Mais elle n’était pas assez idiote pour le lui demander. D’une, elle savait qu’elle n’aurait aucune réponse précise, et de deux, elle ne voulait pas qu’il la lui pose, alors elle ne le ferait pas non plus. Cependant, quelque chose lui disait que comme elle, il n’arrivait pas à faire son choix.

Heather secoua légèrement la tête, de façon presque imperceptible aux yeux de quiconque. Pourquoi se posait-elle des questions pareilles ici ? Elle ne pouvait pas attendre d’être tranquillement dans son dortoir à tête reposée ? En tout cas, c’était préférable. De toute façon, il lui serait impossible de faire un choix maintenant. Il fallait au moins qu’elle attende la fin de l’année. Les événements qui auront lieu seront les seuls à pouvoir l’aider. Mais ce qui continuait de l’intriguer, c’était le fait de ne pas savoir, quels genres d’événements elle attendait. Des bons ? Des mauvais ? Aucune idée. La jeune Serpentard reprit ses esprits et répondit à James. Elle avait enfin laissé dans un coin de sa tête cette histoire de camp. Le bien, le mal ? Ne serait-ce pas plus simple si il n’en existait qu’un seul ? Oui, mais ils leur aient impossible d'exister l'un sans l'autre.

Elle ajouta à l’attention de James que l’année promettait d’être intéressante. Très intéressante même. Que de choses à faire encore une fois ! Surtout avec les nouveaux qui arrivaient, la jeune Serpentard sentait que l’année ne manquerait pas de distraction. Entre s’attaquer à ses anciennes victimes et en choisir de nouvelles, chercher à gagner la coupe des quatre maisons et pourrir la vie des Gryffondor, travailler en veillant à rester calme face aux professeurs et trouver des réponses à toutes les questions qu'elle se posait, Heather ne risquait pas de s’ennuyer. Elle se doutait que James avait les mêmes pensées qu’elle à cet instant, d’ailleurs, il ne tarda pas à le lui confirmer par ses paroles. Puis le Serpentard sourit à la jeune fille, un sourire qu’elle était la seule à connaître. Celui-là, il le lui réservait. Il ne l’offrait pas à n’importe qui, et Heather était heureuse d’avoir ce privilège. Il ne ressemblait pas à ce sourire charmeur qu’il lançait à la plupart des filles qu’il croisait, ni de près, ni de loin. Il était différent, beaucoup plus sincère. Et la Serpentard s’en rendait bien compte. Son visage était toujours aussi impassible et personne n’aurait pu deviner ce qu’elle pensait. Cependant, Heather était grandement soulagée de voir que James lui accordait toujours plus d’importance qu’à toutes ses pimbêches. Elle ne dit rien, ne montra rien, mais le jeune homme le savait. Il était inutile de le lui rappeler.

Heather sentait le regard du Serpentard sur elle. Il resta silencieux un petit instant. La façon dont il l'observait la mettait mal à l’aise. Ca lui arrivait très souvent, beaucoup de garçon passaient leur temps à la contempler ainsi et elle s’y était faite très vite. Eux par contre, ne comprenait toujours pas pourquoi, dès qu’ils devenaient un peu trop insistant, ils se retrouvaient projeter à l’autre bout du couloir. Mais le fait que ce soit James qui la regarde ainsi la dérangeait, mais pas de la même façon. De la part des autres, ça la faisait sourire, car l’idée de les faire descendre de leur petit nuage quelques instants plus tard l’enchantait, mais avec James, c’était différent. Il était hors de question de lui jeter un sort, alors que peut être qu’il ne se rendait même pas compte de ce qu’il faisait. D’ailleurs, il ne tarda pas à reprendre la parole, comme si de rien n'était. Les questions de la jeune fille s’envolèrent aussitôt. « Au parc, je ne suis pas sortie de la journée. » Elle fit quelques pas en direction de la grande porte de chêne qui était ouverte et alors qu’elle mettait un pied dehors, sur les marches de pierre, elle se retourna vers James qui n’avait pas bougé. « Je suppose que tu m’accompagnes. » Heather sourit au jeune homme et descendit les marches. Elle commença à avancer sur l’un des petits chemins, choisissant celui qui menait à la forêt interdite. Elle avançait doucement, de sorte que James puisse très vite la rattraper.

Heather avait pour habitude de ne pas se presser. La voir courir dans les couloirs ou simplement se hâter, c’était loin d’être courant. Elle considérait que si quelqu’un devait attendre, ce n’était pas elle, mais les autres. Du moins elle voyait les choses comme ça quand il s’agissait de retrouver un camarade. Lorsque c’était pour aller en cours, elle prenait soin de partir quelques minutes avant, à la fois pour être à l’heure, mais aussi pour pouvoir prendre son temps. Beaucoup se demandait pourquoi elle respectait ses professeurs, du moins la plupart. La réponse était pourtant simple. Heather savait que tant qu’elle serait à l’école, elle n’avait aucun pouvoir sur eux. Elle devait leur obéir, elle n’avait pas le choix. Elle savait reconnaître quand elle devait respecter certaines règles pour sa propre sécurité et pour son propre avenir. Mais ce qu’elle savait aussi, c’était qu’une fois l’école terminé, ancien professeur ou non, famille ou non, adultes ou enfants, ce serait elle qui tirerait les ficelles. C’est cette idée qui lui permettait de garder son sang-froid face à certains professeurs qu’elle aurait bien remit dans le droit chemin. Celui de vol par exemple. Directrice de Gryffondor. Vous pensez bien que ce n’est pas le genre de personne qu’Heather apprécie. Elle lui accordait cependant un minimum de respect. Pourquoi ? Simple précaution à prendre pour se protéger elle, mais aussi pour permettre à Serpentard de ne pas perdre trop de points par sa faute. Parce que si la jeune fille avait l’habitude de tout rapporter à elle, elle en faisait autant pour ce qui lui tenait à cœur, et la maison des vert et argent en faisait partie.

La jeune fille prenait donc son temps alors qu’elle marchait sur le chemin de la forêt interdite. Mais là, encore plus que d’habitude histoire que James se dépêche de la rattraper. On sait jamais, si il restait à réfléchir à elle ne savait quoi, ou si tout simplement, il lui prenait l’envie de donner un petit coup de baguette à quelqu’un, il valait mieux qu’elle ne parte pas trop loin. Lashlabask était tellement grand, les élèves tellement nombreux, qu’on pouvait très facilement se perdre et ne pas se retrouver avant des heures. Et la Serpentard n’avait aucune envie de se séparer de la présence de James. Ce dernier ne tarda pas, en quelques secondes à peine, il fut à sa hauteur et marchait à ses côtés. Heather accéléra légèrement le rythme, histoire de ne pas donner l’impression qu’elle était aussi lente qu’une torture. Cependant pas trop non plus. Le fait d’avancer doucement, c’était aussi une façon de tromper l’adversaire. Quand on la croisait comme ça, au détour d’un couloir ou dans le parc, qu’on la voyait marcher lentement, observant autour d’elle, parfois l’air un peu rêveur, on pouvait douter de sa capacité à se battre en duel. Parfois, quand on ne la connaissait pas, on la provoquait. Heather n’attendait que ça. Se faire provoquer, laisser croire qu’elle se laisserait faire, et finalement, faire preuve de rapidité et d’agilité une fois sa baguette en main. C’était le genre de chose qui lui faisait plaisir et qui égayait sa journée.

James lui demanda comment elle trouvait les cours. Difficile à dire. Certains étaient passionnants et d’autres tellement ennuyeux qu’il n’y avait pas de mots pour les définir. Et il y avait les professeurs aussi. Heather avait besoin de les apprécier pour aimer leur matière. Enfin ça dépendait pour lesquelles. Elle savait que pour les potions et la défense contre les forces du mal, que le professeur soit comme elle les aimait ou au contraire, beaucoup trop aimable et surtout, ancien Gryffondor, elle serait toujours passionnée par ces cours. Son regard, posé sur la cime des arbres de la forêt interdite depuis plusieurs minutes se tourna vers James. « Pas trop mal. Mais ils pourraient grandement s’améliorer si la direction se décidait à renvoyer certains des incapables censés nous donner des cours.» répondit-elle, une pointe d’agacement dans la voix. Le visage toujours impassible, elle observa le lac un peu plus loin. C’est alors que James ajouta que l’année ne s’annonçait pas difficile. Il avait raison. Tous les deux avaient des facilités partout, ou presque. Pour Heather, c’était en botanique, en soin aux créatures magiques et en divination qu’elle n’était pas très douée. Mais elle se fichait bien de ces matières dans le fond. A quoi ça pourrait lui servir de connaître les plantes, les animaux et son avenir ? L’avenir, comme si il était programmable. Comme si elle pouvait lire dans les étoiles ou dans une tasse pleine de feuille de thé si elle choisirait le bien ou le mal ? Des balivernes. Elle confirma d’un signe de tête à la remarque du jeune homme et ajouta « Tu as raison. En plus, on a la chance de ne pas avoir d’examens à la fin de l’année. » Effectivement, en sixième année, rien de très important à passer, excepté les habituels contrôle permettant de savoir si le passage en classe supérieur est possible. Heather ne s’en inquiétait pas, elle l’aurait haut la main. Ce qui l’angoissait un peu plus, c’était savoir que l’année suivante, elle avait ses ASPICS. Elle avait beau être une élève brillante, elle devrait travailler un peu plus qu’elle ne le faisait si elle voulait obtenir des optimal.

James lui demanda pourquoi elle ne s’inscrivait pas dans l’équipe de Quidditch. Bonne question. Pourquoi alors qu’elle était douée ? C’était une longue histoire dont elle n’avait aucunement envie de parler. Elle rêvait de participer à chaque sélection depuis sa seconde année à Lashlabask, mais elle ne le faisait pas. Attrapeuse, c’était le post qui la faisait rêver et pour lequel elle était sûrement la plus douée. Mais elle se refusait à envisager son acceptation dans l’équipe des Serpentard. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que son père voulait qu’elle le fasse. Heather n’avait pas l’intention de le satisfaire de ce côté-là, c’est pourquoi elle se refusait quelque chose dont elle avait envie. Elle se prenait bien trop la tête avec ses parents. Elle savait que si jamais elle en parlait à James, c’est ce qu’il lui dirait. Après tout, n’avait-elle pas décidé de ne plus prendre en compte leur avis et leur position dans ses choix ? Si, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Suite à la question du jeune homme, elle s’arrêta brusquement. Elle observait James sans le voir, le regard dans le vague, l’air un peu rêveur. « Je ne sais pas … » dit-elle à voix basse. Surprenant comme attitude n’est-ce pas ? Oui, beaucoup. Décidemment, même à des kilomètres de distance, son père continuait à la hanter. Elle cligna des yeux et secoua la tête comme si elle sortait d’un rêve. Elle regarda James, fronça les sourcils et reprit sa marche. « Oui, tu as raison, je devrais peut être voir pour passer les essais. Il paraît qu’on n’a toujours pas d’attrapeur non ? »

Les parents d’Heather, un vrai cauchemar pour la jeune fille. Durant des années, elle n’a jamais eu droit à la moindre marque d’affection, elle les détestait plus que n’importe quoi. Mais elle les appréciait aussi. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils étaient comme elle, ou plutôt, elle était comme eux. Ils lui avaient appris à détester les sang-de-bourbes, à se montrer supérieur à tout le monde ou presque, à être la meilleure, à ne jamais baisser les bras, à atteindre ses buts, mais surtout, à savoir ce qu’elle voulait. Ils lui disaient toujours d’aller au bout des choses et de croire en ses rêves. Seul bon conseil qu’elle avait reçu en seize ans. Mais c’est toujours bon à prendre n’est-ce pas ? Oui, et la jeune fille essayait de s’y tenir. Cependant elle avait un problème. Quels étaient ses rêves ? Elle ne le savait pas, elle se demandait même si elle en avait. Pourtant, tout le monde à un rêve non ? On désire tous quelque chose. Mais Heather, même si elle avait un rêve, elle ne savait pas ce que c’était. Et elle s’en fichait. Du moins, elle essayait de s’en persuader lorsque y songeait. Au fond d’elle, elle savait qu’elle était malheureuse, mais elle n’avait aucune envie de s’y résoudre. Une chose était sûre, ses parents n'étaient pas étrangers à son malheur, d’ailleurs, ils n’étaient étrangers à rien.

Ils étaient sans arrêt dans son esprit. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser à eux dès qu’elle faisait quelque chose. Où plutôt, c’étaient eux qui ne pouvaient pas s’empêcher de venir l’importuner, de la faire douter, voir même changer d’avis. La jeune fille essayait toujours de ne pas prendre à compte leur présence dans sa tête mais elle avait du mal, beaucoup de mal. Là encore, quand James lui proposa de rejoindre l’équipe de Quidditch vert et argent, son père vint la hanter. Elle devait se débarrasser de la question, vite, très vite. Elle dit donc la première chose qui lui vint à l’esprit. Je ne sais pas. Une réponse basique, que la plupart des gens utilisent lorsqu’ils sont indécis. Heather n’était pas ce genre de personne. Elle avait pour habitude de toujours montrer qu’elle savait ce qu’elle voulait, et là, elle venait de parler sans réfléchir. A qui la faute ? Son père bien entendu. Elle se rendit compte très vite de ce qu’elle venait de faire, et elle secoua légèrement la tête. Heather reprit sa marche et se dépêcha de trouver une réponse convenable. Elle ne devait pas laisser James se poser trop de questions sur sa réaction. Même si elle savait qu’il était inévitable que quelques unes viennent se bousculer dans la tête du jeune homme. Répondre aussi vite et d’une telle façon, ce n’était pas dans les habitudes d’Heather.

La jeune fille était en train d’analyser ce qu’elle allait dire, elle s’apprêtait à changer sa réponse, mais les mots sortirent tous seul de sa bouche. Elle n’avait pas pu les retenir. Elle venait de dire à James qu’il avait raison, qu’elle devrait songer à rejoindre l’équipe. Si elle avait pu, elle aurait fait un petit retour de cinq minutes dans le passé, mais c’était impossible. Elle le savait. Elle ne pouvait pas effacer ce qu’elle venait de dire, à moins d’expliquer à James qu’elle s’était trompée dans ses paroles, mais ça, c’était hors de question. Il devait continuer à croire comme tout le monde qu’elle ne se trompait jamais. Personne ne devait savoir que même elle, il lui arrivait de faire ou de dire n’importe quoi. Cependant, malgré son mal aise, la jeune fille ne changea pas d’expression. Toujours aussi impassible personne ne pouvait deviner qu’elle regrettait profondément ses paroles. Maintenant elle n’avait plus le choix, surtout suite à la réponse de James. Elle devrait au minimum passer les essais. Et dans ce cas, il serait impossible qu’elle soit refusée, elle était bien trop douée. Pourtant elle avait envie que ça arrive. Histoire de ne pas satisfaire son père. Celui là, quelle plaie ! Ca ne lui suffisait pas d’avoir gâché son été ? Il fallait qu’en plus, il vienne la perturber dans ses choix alors qu'il était à des kilomètres d'elle !

Comment Heather faisait-elle pour rester calme ? Bonne question. L’habitude sûrement. Toute petite, on l’obligeait déjà à ne pas crier, à ne pas rire, à ne pas pleurer, voir même à ne pas parler. Avec ses parents, il fallait toujours être calme et posé. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une famille de sang-pur se devait de paraître parfaite. Quand on est supérieur aux autres, il faut le leur montrer en agissant toujours mieux qu’eux et en ayant des enfants irréprochables. Et Heather l’avait été. Toujours très obéissante, elle avait fait la fierté de ses parents et ils ne cessaient de venter les qualités de leur fille auprès de leurs amis. Mais ce n’était pas pour autant qu’ils se montraient affectueux avec elle. Jamais la moindre marque d’attention. Durant toute son enfance, Heather fut frustré face à un tel manque d’amour de leur part. Encore aujourd’hui, elle ne comprend pas comment ils ont pu être aussi froid et distant avec elle. Elle n’est pas prête d’oublier cela. L’envie de vengeance enfouie en elle depuis des années est prête à se réveiller. Dès qu’elle en aura l’occasion, la Serpentard leur montrera qu’ils ont une bonne raison d’être fière d’elle. Mais pour le moment, elle doit attendre la fin de ses études. Après tout, ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ?

Elle continua à avancer sur le petit chemin de terre qui menait à la forêt interdite. Ils se rapprochaient de plus en plus de cette dernière, et bientôt, soit ils pénétreraient à l’intérieur, soit ils resteraient au bord, attendant que les quelques élèves des alentours s’éloignent pour ne pas risquer une retenue. Parce que si Heather aimait être au milieu des grands arbres de la forêt, elle détestait au contraire nettoyer les toilettes de Mimi Geinarde à la façon des moldus ou faire briller les trophées avec un chiffon. C’est pourquoi elle veillait à être discrète lorsqu’elle faisait entorse au règlement. Que ce soit pour se rendre dans les cuisines, pour pénétrer dans la forêt ou encore sortir de son dortoir au milieu de la nuit, la jeune fille était toujours très prudente. Ca n’empêchait pas que de temps à autre, elle se fasse prendre, mais en général, elle réussissait à rejoindre son dortoir sans trop de problèmes. Et de toute façon, dans le pire des cas, elle s’arrangeait pour rejeter la faute sur quelqu’un d’autre, ce qui marchait plutôt bien.

Heather détourna les yeux de l’horizon pour regarder James. Quand le sujet était le Quidditch, il ne s’arrêtait plus. Elle était amusée de voir l’enthousiasme avec lequel il en parlait, mais il était hors de question de le lui montrer. Pas même un sourire se dessina sur son visage. « Oui, vivement que le Quidditch reprenne. » dit-elle d’un air vague. L’idée de rejoindre l’équipe et de rendre son père encore plus fière d’elle n’arrivait pas à la quitter. Habituellement, elle aurait enchaîné sur les remarques du jeune homme. Après tout, le Quidditch, elle adorait et aimait en parler. Mais le fait qu’elle vienne d’accepter d’entrer dans l’équipe, ou du moins de passer les sélections, l’inquiétait. Elle essaya cependant de montrer un minimum d’enthousiasme et elle ajouta un petit sourire mauvais au coin des lèvres « Par contre, évite de trop amocher les Gryffondor, après, on n’aura plus d’adversaire de taille sur qui se défouler. Il faut tout de même qu’il nous en reste un ou deux en bon état ! » Ah les rouge et or, l'un des divertissements préférés de la jeune fille.

Je ne sais pas. Après avoir dit ces quelques mots à James, la jeune fille croisa son regard. Elle savait plus ou moins ce qui se passait dans la tête du jeune homme. Des questions, encore des questions, toujours des questions. Ces satanées questions qui rendait la vie des gens bien plus compliqué. Si on ne s’en posait pas, les choses seraient bien plus simples. On ne chercherait pas à comprendre le pourquoi du comment, on se contenterait de prendre les choses comme elles venaient, d’attendre que les événements aient lieu sans essayer de comprendre pourquoi ils se déroulaient ainsi et pas autrement. Heather se surprenait souvent à rêver d’un monde sans interrogations. Mais qui ne sait pas que les questions sont inévitables ? Personne. On sait tous qu’elles se bousculent dans nos têtes, qu’elles sont plus nombreuses chaque jour, et qu’à certaines, on ne trouvera jamais de réponse. On sait tous qu’on a beau essayer de les éloigner de notre esprit, elles reviennent au galop, parfois plus nombreuses, souvent lorsqu’on s’y attend le moins. Heather en avait fait l’expérience un grand nombre de fois. Là encore, tout ce qu’elle essayait d’enfouir dans un coin de sa tête depuis le début de l’été lui revenait à l’esprit.

Pourquoi ses parents avaient-ils si brusquement changé ? Quel côté avaient-ils choisis ? Lequel choisirait-elle ? Réussirait-elle a gardé encore longtemps pour elle seule tout ce qui la tourmentait ? Allait-elle finir par se dévoiler à James comme elle ne l’avait jamais fait ? Et il y en avait encore des tas et des tas comme cela. Elle aurait pu remplir des feuilles et des feuilles de parchemins avec toutes les questions qui la tourmentaient. Mais Heather n’était pas comme ça. Elle n’était pas du genre à écrire ses problèmes dans un journal ni même à en parler. Elle gardait tout pour elle, elle évitait la moindre fuite. Elle ne voulait pas qu’on sache qui elle était, ce qu’elle avait vécu et ce qu’elle pensait. Elle se protégeait avec ses secrets, mais elle se détruisait sans s’en rendre compte. Quand allait-elle comprendre qu’elle devait arrêter de se taire ? Un jour peut être. Mais en attendant, elle ne voulait pas parler, elle ne devait pas parler.

Vivement que le Quidditch reprenne. C’était tout ce qu’elle avait trouvé à dire, et d’une voix des plus vague. James aurait presque pu croire qu’elle n’en avait rien à faire si il ne savait pas à quel point elle adorait ça. C’était l’une des premières fois où elle parlait de Quidditch avec si peu d’enthousiasme. Il fallait s’en douter, James fut très surpris de sa réaction. Comment Heather, qui pouvait parler avec lui pendant des heures de Quidditch pouvait-elle dire aussi vaguement qu’elle avait hâte que ça reprenne ? C’était tout bonnement irréel. La jolie brune se rendit bien compte qu’il ne comprenait pas. Elle-même ne savait pas comment ses parents pouvaient autant affecter son état d’esprit. Elle ne laissa pourtant rien voir de son mal aise et continua à avancer, la forêt interdite se rapprochant de plus en plus. Mais James n’avait pas l’air de vouloir laisser passer une chose pareille. Il lui demanda ce qu’elle avait, lui disant qu’elle pouvait tout lui dire. Heather le regarda mais resta toujours aussi impassible. A l’intérieur, son cœur faisait des bons de trois mètres dans sa poitrine. Aurait-elle enfin le courage de parler ? Non, elle détourna les yeux et poursuivit son chemin, ignorant ce que venait de dire James. Elle ne savait pas de quelle façon il prenait sa réaction, mais elle éloigna de son esprit les nouvelles questions qui venaient de l’envahir. Si elle continuait de cette façon, son cerveau allait finir par exploser à force de renfermer autant d’interrogations.

D’accord. Il était à peine audible, mais Heather le perçu. James devait en avoir marre qu’elle se taise. Elle comprenait. Mais elle n’y pouvait rien, elle n’arrivait pas à parler. Cependant, une chose la rassurait. Elle savait que le jour où elle aurait vraiment besoin de parler à James, il serait là. Il savait qu’elle avait besoin de temps, qu’elle ne devait pas être brusqué, qu’il ne fallait surtout pas lui forcer la main. Il avait bien compris tout cela, et c’était une des raisons pour lesquelles parfois, Heather se posait la question. Pouvait-elle lui parler ? Elle ne l’avait encore jamais fait, mais le simple fait qu’elle se le demande était déjà énorme. Mais cette fois encore, ce n’était pas la bonne. Elle chercha très vite à ramener le sujet du Quidditch sur le tapis, en demandant à James de ne pas trop amocher les Gryffondor. Le sourire mauvais qui avait pris place sur ses lèvres était une façon de lui dire qu’elle allait bien. Elle savait qu’il le savait. Cependant, elle savait aussi qu’il n’y croyait pas. Mais une chance pour elle, James la comprenait, et il ajouta quelque chose, laissant de côté ce qu’il avait dit peu de temps auparavant. Il les lui laisserait sur pied pour le désert ? Heureusement. Il ne manquait plus qu’il en profite tout seul ! Elle lui fit un petit sourire et regarda autour d’elle. Il n’y avait personne aux alentours, ils pouvaient entrer dans la forêt interdite sans problème. Ils firent quelques pas à l’intérieur, et Heather suivit James. Elle savait qu’en entrant dans la forêt, elle retrouverait un peu de calme. C’était le seul endroit où elle pouvait oublier de temps en temps ses parents. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils lui avaient toujours dit de ne pas entrer dans la forêt. Le fait de le faire alors qu’ils ne le voulaient pas, c’était comme les défier. La vert et argent pouvait donc les effacer un peu lorsqu’elle pénétrait ici. Allait-elle finir par parler à James une fois ses parents laissaient à la lisière de la forêt ?

La forêt. Que de souvenir à l’intérieur de cette dernière. Heather y avait appris beaucoup de choses mais elle avait aussi eu de nombreuses frayeurs. A chaque fois, il lui arrivait quelque chose de bizarre et d’inattendu. Un coup elle s’étalait par terre de tout son long après s’être pris les pieds dans une racine, un autre, elle ne retrouvait plus son chemin et mettait des heures à sortir de sous les arbres, d’autre fois encore, paniquée en entendant les centaures galoper à vive allure à quelques pas d’elle, elle se mettait à courir et dévalait des pentes qu’elle n’avait pas vu, essayant de se rattraper comme elle pouvait. Ce genre de chose, ça lui arrivait régulièrement, mais ça la faisait plus sourire qu’autre chose. En général, elle était seule, personne n’assistait à la scène, alors elle se fichait bien de ce qui pouvait lui tomber dessus. Et d’ailleurs, même quand James était avec elle, et c’était souvent le cas, elle s’en moquait. Quand ils entraient dans la forêt, ils s’amusaient, ils rigolaient et les idées noires de la jeune fille s’enfouissaient dans sa tête pour ne réapparaître que lorsqu’elle sortait des bois. Cet endroit, c’était pour la vert et argent un peu comme un havre de paix. Elle s’y sentait tranquille et en confiance. Mais c’était aussi un danger pour elle, car elle parlait beaucoup plus librement. Sa protection était plus vulnérable. Qu’allait-il se passer aujourd’hui ? James réussirait-il à franchir la barrière d’Heather ou tiendrait-elle encore le coup ?

La jeune fille entra dans le bois à la suite de son ami. Dès qu’elle fut entre les arbres, elle se sentit plus légère, un peu comme si on venait de la libérer d’un poids. Elle venait de laisser ses parents et tout le reste de ses problèmes à l’entrée de la forêt, et elle savait qu’elle ne les récupèrerait pas avant d’avoir fait demi-tour. Elle rejeta ses longues boucles brunes en arrière et fit quelques pas, veillant à ne pas trébucher. C’est alors que James lui proposa de faire la course. La jeune fille retint un rire et se mit à tousser. Il savait très bien qu’elle n’avait aucune chance contre lui. Certes, elle était rapide, mais à côté de lui, Heather était aussi lente qu’une tortue. Cependant, la vert et argent n’allait pas refuser. De toute façon, elle se doutait que James s’arrangerait pour ne pas mettre trop de distance entre eux. Après tout, si il la battait toujours avec cinq minutes d’avance, elle finirait par refuser toutes les courses qu’il lui proposerait et au final, ce serait lui qui se retrouverait le plus embêté.

Elle esquissa un petit sourire, et le jeune homme ajouta que la clairière serait l’arrivée. La clairière. Heather adorait cet endroit. C’était là qu’elle s’était retrouvée lors de sa première excursion dans la forêt, et quelques jours après, elle y avait emmené James. Depuis, ils ne cessaient de se rendre dans ce lieu. C’était un peu comme leur jardin secret. D’ailleurs, ça lui avait énormément manqué de ne pas s’y rendre durant l’été. Le fait d’y retourner pour la première fois de l’année en compagnie de James lui faisait énormément plaisir. Ils se sentaient bien dès qu’ils étaient là-bas, du moins elle. Pour lui, elle ne savait pas vraiment, mais elle imaginait que c’était pareil. De ce côté-là, ils se ressemblaient beaucoup. Tous les deux ils aimaient la forêt, son immensité et ses secrets. Ils avaient à peu près les mêmes goûts, ça, ils le savaient. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils avaient aussi la même histoire, ou presque. Ils descendaient d’une lignée de sang-pur, une famille riche et respectée. Ils avaient grandit sans recevoir d’amour de la part de leurs parents. Ils savaient qu’on attendait la réussite de leur part et ils savaient aussi que bientôt, ils devraient prendre la place de leurs parents et faire subir à leurs propres enfants ce qu’eux même, avaient dû supporter. Mais de ce côté-là, Heather restait indécise. Elle n’avait pas envie d’avoir un enfant pour qu’il endure la même chose qu’elle. Elle n’aurait pas d’enfants, aucun. Elle ne voulait pas faire vivre à sa chair et son sang une enfance aussi compliqué que la sienne.

La jeune fille confirma d’un signe de tête qu’elle acceptait la course de James. De toute façon, elle n’avait pas vraiment le choix. C’est alors que le jeune homme lui dit que si il gagnait, elle devait l’embrasser. La Serpentard haussa un sourcil, un petit sourire amusé au coin des lèvres. Venant de James, elle savait que c’était une plaisanterie. Un autre garçon se serait risqué à lui dire une chose pareille, il serait déjà à l’infirmerie. Mais Heather savait que ce genre de remarque, le vert et argent ne pouvait pas s’en empêcher. Lui et les filles ! Heureusement pour elle, elle n’était jamais mêlée à cela, ni de près, ni de loin. Les histoires de cœur ou de cul, car il faut bien le dire, James était comme la plupart des hommes, plus souvent intéressé par l’emballage du produit que par son contenu, c’était loin d’être le truc d’Heather. Les problèmes de famille lui suffisaient amplement pour ne pas ajouter à la liste ceux qui concernaient les garçons. Elle cligna des yeux comme pour accepter le défi que venait de lui lancer son ami. Le jeune homme commença à courir, et Heather partit à sa suite.

Elle veillait à bien regarder où elle mettait les pieds de peur de tomber, mais il fallait en même temps qu’elle lève les yeux pour être sûre de ne pas se prendre une branche en pleine tête. Elle eut cependant le temps de remarquer que James n’allait pas très vite. Petit problème de moteur ? Sûrement pas. Heather savait qu’il était rapide, beaucoup plus qu’elle. Il avait simplement la délicatesse de ne pas la laisser seule en pleine forêt. Elle sourit à cette pensée, et accéléra un peu le rythme histoire de pouvoir le dépasser juste avant l’arrivée. Il lui avait lancé un défi, et elle n’avait tout de même pas envie de le perdre, même si dans le cas où il arrivait avant elle, ce qui était fort probable, elle ne l’embrasserait sûrement pas. Quoique, dans un élan de folie, sait-on jamais ! La jeune fille arriva juste derrière lui. Elle commença à voir la clairière entre les arbres, et elle pénétra dans cette dernière au même moment que James.

Ouf ! Tout en reprenant son souffle, Heather suivit le jeune homme jusqu’au tronc d’arbre où ils avaient l’habitude de s’asseoir. Alors qu’elle grimpait dessus, elle le regarda et dit avec amusement « Le baiser, ce ne sera pas pour cette fois ! » Elle sourit au jeune homme et s’installa confortablement. La jeune fille posa ses jambes sur le tronc d'arbre et finit par s'asseoir en tailleur. Suite à sa remarque, elle lui dit « Moi aussi ! Deux mois sans se retrouver ici une seule fois, c'était l’enfer. J’ai cru que j’allais exploser avant la fin des vacances. » Décidemment aujourd'hui, elle parlait vraiment sans réfléchir. Heather se mordit la lèvre. Comment allait-il prendre cette remarque ? Penserait-il que cette réflexion venait du fait que cet endroit lui avait manqué, ou bien que ses vacances avec sa famille l’avaient insupportée ? Elle n’en savait rien, mais elle espérait fortement qu’il n'y fasse pas trop attention.

Heather observait la clairière autour d’elle. En six ans, elle n’avait pas changé le moins du monde. La même herbe verte sur le sol, les mêmes arbres tout autour, avec peut être, quelques centimètres de plus que les années précédentes, et les mêmes pierres plates sur lesquelles la Serpentard avait l’habitude de s’asseoir lorsqu’elle était seule. Rien n’avait changé. Il y a quelques mois, lors du dernier jour de sa cinquième année d’étude à Lashlabask, Heather était venue ici. Elle était seule. Elle avait déplacé une pierre plate, creusé légèrement en dessous, et elle y avait déposé un médaillon. Celui de sa famille qui se transmettait de génération en génération. Elle voulait s’en débarrasser depuis des mois, des années même, mais jamais elle n’avait eu ce courage. Et là, elle ne savait pour quelle raison, elle avait réussi à s’en séparer, à ne plus le voir ni le sentir, brillant contre la peau nue de son cou et lui donnant des frissons lors des journées d’hiver. Désormais, la forêt faisait en quelque sorte partie d’elle. Elle possédait son médaillon. Durant les premières semaines de vacances, les parents d’Heather n’avaient rien remarqué. Ils se rendirent compte de l’absence du médaillon autour du cou de leur fille seulement après quelques semaines. A ce moment là, ils étaient déjà redevenus comme d’habitude, froid, distant, antipathique et autoritaire. Ils étaient entrés dans une colère noire et son père l’avait frappé. Pas une simple claque, des coups, des vrais coups. Puissants, précis et violents. Elle en avait encore des marques. Mais Heather s’en fichait bien. En faisant cela, son but était de rendre son père furieux, qu’il arrête d’être fier de sa fille, qu’il est honte de ce qu’elle avait fait. Et elle avait réussi. Sa victoire ne restait pas sans trace, autant morale que physique, mais le fait d’avoir eu le courage de cet acte, c’était pour elle le début d’un tas d’autre rébellion contre ses parents. C’était un grand pas en avant, et elle n’allait pas s’arrêter là. Son regard se posa sur la pierre plate qui renfermait son secret. Un petit sourire rêveur vint prendre place sur son visage. Réalisant qu’elle n’était pas seule, elle la quitta des yeux et observa James.

Le jeune homme venait de dire qu’une autre fois, peut être, elle l’embrasserait. Heather lui sourit, amusée, et son regard se posa à nouveau sur la pierre plate en face d’elle. C’est alors qu’elle parla de ses vacances sans réfléchir. Elle ne pu se retenir, et se mordit la lèvre. James savait très bien qu’elle faisait cela lorsqu’elle était embarrassée. Elle ne le lui avait jamais dit, mais il l’avait deviné depuis le temps. Elle détourna les yeux, espérant qu’il n’est rien vu de ce geste. Elle n’osait plus le regarder, elle fixait avec attention la cime des arbres et les quelques nuages que laissait entrevoir la clairière. Heather aurait voulu disparaître sous terre pour ne pas vivre cela. Mais qu’est-ce qui lui arrivait ? C’était la seconde fois en à peine vingt minutes qu’elle parlait sans réfléchir. Où avait-elle la tête ? N’était-elle pas censé oublier ses parents une fois dans la forêt ? Si, normalement. D’ailleurs c’était le cas, du moins d’une certaine façon. Elle ne pensait plus à eux en se sentant impuissante mais au contraire, elle se sentait plus forte. Elle n’était plus inquiète en voyant l’image de son père se dessiner dans sa tête et elle n’avait plus mal quand elle songeait à ce qui s’était passé cet été. Elle les avait toujours à l’esprit, mais d’une façon complètement différente. Et à cet instant, auprès de James, Heather avait la sensation que parler de sa vie, de sa famille et de son enfance, c’était attaquer ses parents au plus profond d’eux même, dans leur fierté, leur lignée et leur image de famille modèle. Dire la vérité, ce qu’ils étaient vraiment et ce qu’ils lui faisaient vivre, c’était détruire l’image qu’ils donnaient à tout le monde, c’était les blesser.

Réalisant qu’elle songeait pour la première fois à parler de ce qu’elle avait toujours essayé de cacher à tout le monde, y comprit à James, elle se laissa aller contre le tronc d’arbre et s’y adossa. Elle était à moitié allongée, et ses longs cheveux bruns s’accrochaient à l’écorce, mais elle n’y prêtait aucune attention. Elle fixait le jeune homme à ses côtés, intriguée par le long silence qui avait suivi ses paroles. Pourquoi ne disait-il rien du tout ? A quoi pensait-il ? Heather se le demandait, cependant elle se doutait être pour quelque chose dans tout cela. La réponse qu’elle lui avait donnée tout à l’heure avait dû faire naître de nombreuses questions dans sa tête. Elle le savait, mais elle continuait à espérer le contraire. Pourquoi ? Simplement parce qu’une partie d’elle voulait se taire. Cependant, ça n’empêchait pas l’autre partie d’avoir envie de tout raconter, de partager tous ses secrets avec James, tout ce qu’elle n’avait jamais dit à personne. Heather resta silencieuse, immobile, à observer le Serpentard, attendant qu’il dise quelque chose.

C’est alors qu’il se décida enfin. La jolie brune s’attendait à tout, sauf à cela. Il chercha ses mots, et finit par lui dire que lui aussi. Alors comme ça, ses vacances avaient été aussi affreuses que les siennes ? Etait-il comme elle, à cacher la réalité sous des mensonges ? Peut être, peut être pas. Elle ne savait pas, pas encore. La vérité allait-elle enfin éclater entre les deux adolescents ? Allaient-ils se parler franchement sans essayer de se cacher la réalité des choses ? Heather se posait pleins de questions. Elle qui croyait qu’en entrant dans la forêt, plus aucune interrogation ne viendrait lui torturer l’esprit, elle s’était bien trompée. C’était presque pire qu’avant. Cependant, le sujet était beaucoup moins blessant. Il ne s’agissait pas de ses parents mais de son ami. L’un de ses seuls véritables amis. Et pourtant, ils ne connaissaient pas grand-chose l’un de l’autre. Si d’autres élèves avaient conscience de leur relation telle qu’elle l’était, ils douteraient sûrement de l’amitié qu’ils avaient l’un pour l’autre. Et pourtant, James avait une place très importante pour Heather. Beaucoup plus importante que celle de n’importe qui. Mais elle ne lui disait rien. Pourquoi ? Elle avait peur. Peur de sa réaction, peur de la vérité. On ne dirait pas comme ça, mais Heather est loin d’être aussi forte qu’elle le laisse paraître. Ca arrive à tout le monde de s’effondrer en larmes, de ne plus savoir quoi faire, de ne plus avoir conscience de ses actions, de ses paroles et de ses choix. Même à Heather.

James la regarda comme si il avait voulu lire en elle. Elle avait l’impression qu’il la passait au scanner pour trouver des réponses. Mais elle ne bougea pas, elle le fixa, sans détourner les yeux, sans même ciller. Le visage toujours impassible, lui au contraire, avait les sourcils froncés depuis un moment. Il commença une phrase. Deux mots, son prénom et un pronom. Que voulait-il dire ? Il réfléchit encore un instant et finit pas lui demander si elle pensait possible de passer ses vacances d’été à Lashlabask. Il lui sourit, et Heather lui rendit son sourire. Elle se redressa et passa sa main dans ses cheveux pour enlever les quelques bouts d’écorce qui s’y était accrochés. Passer ses vacances d’été à l’école ? Tous deux savaient que c’était impossible. Mais cette phrase voulait dire beaucoup. Alors comme ça, James serait comme elle ? Voulait-il lui aussi éviter de rester chez lui avec sa famille ? Peut être. Du moins, c’est de cette façon qu’Heather interprétait sa phrase. Elle observa la pierre plate en face d’elle qui cachait son médaillon puis regarda à nouveau le jeune homme. Elle ouvrit la bouche pour parler mais la referma. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien répondre à ça ? Par une autre question, par un mensonge ou alors par une vérité ? « Si c’était possible, je n’hésiterais pas à rester l’été prochain. » Elle en disait peu tout en révélant beaucoup. Elle ne savait pas si elle avait bien fait. Elle venait de dire que ses vacances étaient insupportables. Désormais, James savait une partie de la vérité, Heather ne pouvait plus reculer.

Heather avait parlé. Trop parlé. Comment était-il possible qu’elle se soit dévoilée autant en quelques minutes, alors qu’en six ans, elle n’avait jamais rien dit de plus à propos sa famille que des mensonges ? Elle-même ne comprenait pas ce qui se passait dans sa tête. D’un côté, elle était soulagée, et elle avait envie de continuer sur sa lancée. Après tout, maintenant qu’elle avait commencé à dire une partie de la vérité, autant que ce soit en entier. Mais d’un autre côté, elle avait envie de partir en courant, de fuir la forêt et de s’éloigner de son ami qui en savait désormais beaucoup plus qu’il n’aurait dû. Elle voulait oublier ce moment de faiblesse, de stupidité qui lui avait fait baisser sa garde. Comment avait-elle pu ? Elle qui s’était si bien entraîné à ne rien dire à personne, à tout garder pour elle-même et à ne jamais faire confiance. Pourquoi avait-elle craqué ? Elle essayait de se le cacher mais elle connaissait la réponse.

Un seul mot, un seul nom, une seule personne, James. Elle n’arrivait pas à comprendre comment il avait fait, mais il avait brisé la glace qui l’entourait et la protégeait, il avait réussi à la faire fondre pour ne plus avoir devant lui qu’Heather et non une illusion d’Heather. Compliqué ? Un peu, mais pas tant que ça en réalité. Dans la vie, il y a plusieurs sortes de personnes. Tout d’abord, ceux que vous connaissez, qui n’ont aucun secret pour vous et à qui vous vous confiez sans crainte. Pour chaque individu, il n’existe en général que deux ou trois personnes qui entrent dans cette catégorie. Puis après, il y a ceux que vous pensez connaître, leurs joies, leurs peines, vous imaginez savoir ce quelles sont, comment ils les vivent et les surmontent, mais ce n’est qu’une illusion. En réalité, vous ne savez pas grand-chose sur ces gens, seulement ce qu’ils vous laissent voir et croire. Et enfin les autres, ceux qui restent, ce sont ceux que vous ne connaissez pas, que vous trouvez inintéressant et avec qui vous imaginez mal pouvoir partager quelque chose. Parfois vous avez raison et d’autre fois complètement tord. Vous ne savez pas de quelle catégorie vous faîtes parti ? Heather elle, elle le sait, du moins elle le savait jusqu’à maintenant. Le doute venait de l’envahir.

Depuis toujours, ce qu’elle laissait voir n’était qu’une illusion. Que ce soit avec James, ses parents, ses professeurs ou encore ses camarades, elle était toujours autre chose qu’elle-même. Elle les laissait l’imaginer sans jamais confirmer ou démentir. En général, personne n’avait ni complètement tord, ni complètement raison. Heather était bien trop complexe pour qu’on sache ce qu’elle voulait réellement. Et de toute façon, elle-même n’en était pas certaine. Elle savait cependant une chose dont elle avait envie, continuer à laisser planer le doute et le mystère sur elle, sur ses désirs et sur ses projets. Mais avec James, ce n’était pas pareil. Elle avait l’impression, à la fois agréable et désagréable, que pour le jeune homme, elle ne tarderait pas à passer dans la première catégorie. Pourquoi ? Qu’avait-il de plus que les autres ? En fait, elle ne le savait pas, car comme elle pour lui, il n’était qu’une illusion à ses yeux. Elle ne le connaissait pas réellement, elle ne savait rien de sa vie avant Lashlabask et elle avait du mal à imaginer ses projets. Cependant, elle savait une chose, ils se ressemblaient. Ca, il ne lui avait pas fallut longtemps pour s’en rendre compte. D’ailleurs, c’était peut être la raison pour laquelle elle voulait devenir plus qu’une simple illusion pour lui.

Heather observait toujours James, elle ne le quittait pas des yeux. Le jeune homme vint s’adosser à l’arbre à ses côtés et la vert et argent fini par détourner le regard. Elle observa la pierre plate toujours en face d’elle. Se lever, déplacer la pierre, creuser, prendre le médaillon. Cette idée lui effleura l’esprit, mais elle l’effaça tout de suite. Pourquoi le reprendre alors qu’elle avait mis tant de temps à s’en débarrasser ? Le confier à quelqu’un peut être ? Elle délirait complètement. La jeune fille secoua légèrement la tête pour retrouver les idées claires. Elle se sentait différente de tout à l’heure. Peut être que le mélange de la forêt interdite et de James avait sur elle un effet encore plus important qu’elle ne l’imaginait. Un peu comme une potion qu’elle aurait avalé à son insu …

La Serpentard plia les jambes pour se retrouver avec les genoux au niveau du menton. Elle posa ses coudes dessus, et avec sa main droite, elle commença à tortiller une mèche de ses longs cheveux bruns. Geste très inhabituelle chez elle. Mais à cet instant, son expression était elle aussi anormale. L’air un peu rêveur, elle regardait le ciel sans le voir, réfléchissant sans essayer de le cacher. Le masque de la jeune fille venait de fondre d’un seul coup. Elle ne cherchait plus à se cacher derrière son impassibilité habituelle, ça lui était totalement sorti de l’esprit. Si elle continuait comme ça, l’année promettait d’être surprenante.

Heather resta sur son petit nuage quelques temps, pour finalement laisser ses cheveux tranquilles et ses jambes pendre le long du tronc d’arbre en se balançant à un rythme régulier. Elle tourna le visage vers James, la tête appuyée contre l’arbre et lui dit d’une voix hésitante « Parfois … je me demande si … » Heather replongea dans le silence. Elle sentait que James attendait la suite, mais elle n’arrivait pas à la formuler. Après quelques instants, elle poursuivit « Si aujourd’hui je ne serais pas différente … en étant née dans une autre famille … ». Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit cela. Elle n’en avait aucune idée, et plus elle se repassait ses paroles dans la tête, plus elle les trouvait stupides. Elle ne détourna cependant pas les yeux de James. Elle n’arrivait plus à regarder ailleurs. Il l'attirait comme un aimant.

Heather trouvait que ce qu’elle venait de dire était complètement idiot. Cependant, pour la première fois, la jeune fille ne le regrettait pas, du moins pas vraiment. D’un certain côté, elle aurait aimé trouver une autre façon de formuler sa pensée, mais de l’autre, elle savait que ce qu’elle venait de dire, c’était exactement ce qu’elle se demandait depuis des années. Elle n’avait pas essayé de tricher, elle avait dit les choses telles qu’elle les pensait, telles qu’elle les voyait. Elle ne comprenait pas pourquoi soudainement, elle laissait les mots franchir la barrière de ses lèvres sans chercher à les arrêter, mais à vrai dire, elle ne se posait même plus la question. Elle regardait James. Elle ne voyait plus que lui. C’était comme si tout le reste avait disparu, comme si ils n’existaient plus qu’eux. L’expression d’impassibilité qui était revenu sur son visage peu de temps auparavant avait à nouveau disparu. Désormais, Heather paraissait à la fois mélancolique, triste, angoissée et heureuse. Un mélange de sentiment qu’elle n’était pas habituée à ressentir, qui l’intriguait et lui plaisait à la fois.

Parfois, la Serpentard se surprenait à rêver d’une autre famille, d’une autre vie. Une famille différente de la sienne, mais presque pareil à la fois. Ce qu’elle désirait, c’était simplement avoir des parents affectueux et intéressés par leur enfant. Elle ne supportait plus qu’on veuille la voir réussir dans le simple but de pouvoir vanter les mérites de la descendance des Berkeley. Elle en avait marre. Elle aurait presque était prête à tout rater simplement pour faire honte à ses parents. Cependant, elle était bien trop obséder par sa réussite et son avenir pour songer réellement à cela. Certes, elle y pensait, mais entre désirer quelque chose et le mettre en pratique, il y a une différence.

Elle rêvait donc à ces quelques modifications sur la façon d’agir de ses parents. Mais il y avait cependant plusieurs choses qu’elle ne pouvait imaginer changer. Sa lignée. Elle était fière d’être une sang-pur, et pour rien au monde, elle n’aurait voulu être une sang-mêlé, ou pire, une sang-de-bourbe. Rien que cette idée la répugnait. Ce qu’Heather aurait voulu, c’était simplement une famille qui lui permette de faire confiance. Des parents à qui elle aurait pu parler et raconter ses problèmes pour trouver une solution avec eux. Des parents qui l’auraient aimé pour ce qu’elle était, et non pour ce qu’elle représentait. Des parents qui l’auraient empêché de penser qu’elle était seule, qu’elle ne pouvait conter que sur elle-même et qu’aucune autre personne n’était digne de confiance. Des parents comme tous le monde en rêve, tout simplement.

Elle savait que ça n’aurait pas changé grand-chose au fond, elle serait toujours aussi hautaine, orgueilleuse, prétentieuse et égocentrique. Mais au moins, peut être serait-elle plus souriante avec les gens qu’elle appréciait, montrerait-elle ses sentiments sans se cacher derrière un masque, parlerait-elle de sa vie, se confierait-elle à ses amis, et sûrement aurait-elle bien plus de relations qu’elle en a aujourd’hui. Cependant, elle restait fière de ce qu’elle était, même si parfois, elle aimerait pouvoir parler plus facilement aux autres. Mais pour le moment, ce problème ne l’inquiétait plus. Elle était partie sur sa lancée, et elle imaginait mal s’arrêter maintenant. Quelque chose lui disait que James allait vite savoir tout ce qui la tourmentait. Ca lui faisait peur mais elle avait hâte en même temps. Une sensation bizarre qu’elle n’arrivait pas à qualifier. Etait-elle bonne ou mauvaise ? Peut être un peu les deux …

Elle regardait toujours James, silencieuse. Il avait l’air surpris par ses paroles, et elle comprenait tout à fait. Ce n’était pas tout les jours qu’Heather parlait autant, et surtout à ce sujet là. Elle qui pendant six ans lui avait laissé croire que sa famille était la plus merveilleuse de toutes, elle laissait subitement la vérité éclater et il y avait de quoi rester sans voix. Mais le jeune homme se reprit peu de temps après. Il lui répondit par un seul mot, sûrement. Il resta silencieux quelque temps, probablement à réfléchir tout comme le faisait Heather, puis finit par dire qu’il aurait tout de même détester les sang-de-bourbe. La jeune fille laissa échapper un petit rire et confirma d’un signe de tête. Puis elle ajouta « Evidemment ! Comment veux-tu apprécier des personnes aussi minables ? » La Serpentard sourit et continua après une courte pause. « Ils arrivent à l’école sans savoir comment se servir d’une baguette magique, sans être jamais monté sur un balai, et pour la plupart, sans même connaître l’existence du Quidditch. » Heather leva les yeux en ciel en signe de désespoir et poursuivit « C’est honteux de les accepter à Lashlabask, surtout avec le discours auquel on a eu droit au début de l’année. Former des sorciers pour vaincre la nouvelle menace … comme si des incapables tels que ces sang-de-bourbe pourront être d’une utilité quelconque à quelqu’un ! »

La jeune fille fut surprise par ses propres paroles. Elle n’avait jamais autant parler en aussi peu de temps, et il y avait de quoi se poser des questions. Mais de toute façon, depuis presque une heure, son comportement était des plus étranges, qu’elle-même ne cherchait plus à comprendre. Elle se contentait d’agir sous l’impulsion du moment. Désormais, elle ne tentait plus d’analyser ses phrases, elle les laissait sortir toutes seules sans essayer de faire de contrôle au préalable. C’est en partie pour cela qu’elle fut surprise à s’entendre parler de la nouvelle menace qui planait sur le monde des sorciers. Menace … elle n’était pas tout à fait d’accord, mais autant employer le même mot que tout le monde pour ne pas inquiéter. Elle regardait toujours James et essayait de lire quelque chose dans son regard. Après un long silence, elle finit par lui demander « Qu’est ce que tu en penses … » puis baissant la voix comme si elle ne voulait pas qu’il l’entende, elle ajouta « … de Lady Smethley ? »

Il y a quelques heures encore, elle n’imaginait pas le moins du monde que dans peu de temps, elle serait dans la clairière en compagnie de James, et qu’elle se mettrait à parler sans se poser de questions. Il faut dire qu’avec toutes celles qui la traversaient à ce moment là, elle était loin de songer à quelque chose d’aussi improbable. Et pourtant, c’était en train d’arriver. Jamais depuis son arrivée à Lashlabask, elle n’avait prononcé autant de mot en si peu de temps. D’ailleurs, même avant de rejoindre l’école de sorcellerie, elle ne parlait pas beaucoup. Très tôt, elle avait appris à se taire et à ne rien dire de plus que ce qu’elle trouvait nécessaire. Les gens s’étonnaient souvent du peu de mots qu’elle prononçait. Parfois même, des amis à ses parents qui passaient la soirée au manoir n’entendaient pas le son de sa voix une seule fois. Ca laissait les gens songeur, pleins d’interrogations. Heather s’en fichait, elle avait toujours aimé ça. Laisser planer le doute, empêcher les autres de la comprendre … elle n’était pas prête à modifier ce fonctionnement. Il avait bien trop prouvé à quel point il était efficace pour être mis au placard. Et pourtant, face à James, elle était en train de devenir différente. Mais elle savait une chose, une fois qu’elle aurait quitter la forêt, qu’elle aurait récupérer tout ce qu’elle avait laissé à la lisière du bois, elle redeviendrait la même, ou presque. Elle savait que désormais, ce qu’elle partagerait avec James serait encore plus fort que ce qu’ils avaient vécu jusqu’à maintenant, et quelque chose lui disait qu’avec lui, elle resterait sincère. Elle ne pourrait plus se cacher derrière son masque.

Malgré cela, quelque chose la laissait inquiète. Et si jamais James n’était pas celui qu’elle pensait ? Si il dévoilait tout ce qu’elle lui avait révéler et que dans quelques jours, la vérité faisait la une de la Gazette ? Si depuis le début, elle s’était faite avoir sans s’en rendre compte ? La jeune fille continuait à le regarder, ses yeux dans les siens, toutes ces questions se bousculant dans sa tête. Elle eut un sourire. Le jeune homme ne devait pas comprendre quel en était la cause, mais elle s’en fichait bien. Elle venait de réaliser une chose, elle était bien stupide d’imaginer pareil scénario. Comment James pouvait-il la trahir ? Lui qui depuis six ans supportait sans rien dire ses silences et la distance qu’elle persistait à mettre entre eux, lui qui lui avait apporté énormément depuis toutes ces années, lui qui lui ressemblait tellement … De son côté, elle n’imaginait pas une seule seconde parler de cette discussion à quiconque, et quelque chose lui disait qu’il en était de même pour James. Ils étaient trop semblables pour ne pas avoir le même avis à ce sujet, aussi important pour l’un que pour l’autre. La Serpentard souriait toujours, le visage tourné vers James, appuyé contre l’arbre. Elle aurait presque eu envie de poser sa tête sur l'épaule du jeune homme.

Après qu’elle lui eu demandé ce qu’il pensait de Lady Smethley, un long silence suivit. Heather savait plus ou moins ce qui se passait dans la tête de James, du moins elle l’imaginait. Finalement, alors qu’elle pensait qu’il ne répondrait pas, il finit par lui donner son avis. Comme elle, il ne savait pas. Le bien ou le mal ? Pour Heather, il n’y avait réellement ni l’un ni l’autre. Les choses varient en fonction du point de vu de chacun, et pour une fois, celui de la jeune fille était loin d’être précis. James avait dit les choses telles qu’elle les pensait, chaque côté avait ses avantages et ses inconvénients. Il n’en existait aucun qui soit entièrement positif aux yeux de l’adolescente. Tout cela était bien embêtant pour elle. Heather n’avait pas pour habitude de ne pas avoir d’avis sur un sujet et d’ailleurs, c’était pareil pour James. De plus, le fait qu’il dise être inquiet, ne faisait qu’augmenter celle de la vert et argent. Que devait-elle faire ? L’Ordre du Phoenix et ses sang-de-bourbe ou Lady Smethley et ses ordres ? Ni l’un ni l’autre ne plaisait à la jeune fille. Quelle était donc la solution ?

Suite à la réponse de James, Heather resta songeuse. Elle avait détourné les yeux de lui pendant quelques minutes et finit par les reposer sur le jeune homme. Elle hocha légèrement la tête tout en se mordant la lèvre. Pour une fois, ce n’était pas parce qu’elle avait dit une bêtise, c’était simplement parce qu’elle ne savait pas quoi dire. Quel était son avis ? Le même que James d’une certaine façon. Elle finit par répondre d’une voix hésitante, qui depuis quelques minutes, lui était presque devenue familière « Comme toi … je ne sais pas trop. En fait … d’un côté, Lady Smethley, j’aime certaines de ses idées, mais il y en a d’autre avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Par exemple … exterminer les moldus … qu’est-ce qu’on s’en fiche du moment qu’ils ne viennent pas nous faire de l’ombre ! Ceux dont il faut se débarrasser ce sont les sang-de-bourbe, eux, ils nous gênent vraiment, ils sont réellement inutiles … » Heather fit une courte pause avant de poursuivre « De plus, devoir obéir à ses ordres, non merci, ce n’est pas pour moi. Par contre, l’Ordre du Phoenix … je ne me voie pas du tout côtoyer des sang-de-bourbe … c'est bien la dernière chose à laquelle je songerais. » Heather eut un petit sourire, et après quelques secondes, elle finit par ajouter « Je me demande si … il ne serait pas mieux pour moi que j’agisse en mon propre intérêt … seule. »

Après avoir terminée sa phrase, Heather remarqua que le sourire de James venait de s’effacer. Qu’avait-elle dit ou au contraire, que n’avait-elle pas dit ? Elle ne voyait vraiment pas ce qui avait pu froisser le jeune homme. Elle avait toujours pensé que tous les deux, ils avaient le même point de vu à ce sujet, même si ils n’en avaient jamais réellement parlé. Depuis quelques heures, cette possibilité se confirmait, mais en quelques secondes, tout venait de s’effondrer. Etait-ce le fait qu’elle ne veuille pas exterminer les moldus qui ne plaise pas à James ? Après tout, la plupart, pour ne pas dire tous les sang-purs, sont pour leur disparition. Les parents d’Heather le sont aussi d’ailleurs, alors pourquoi pas elle ? Simplement parce qu’à ses yeux, ils sont tellement insignifiants qu’il n’est même pas indispensable de s’en débarrasser. Ils gênent qui après tout ? Ils servent à créer des emplois dans le monde magique et à amuser certains sorciers, alors autant les garder. Et puis, on peut se poser des questions à son sujet, mais Heather est loin d’être une meurtrière. Elle est insupportable, parfois agressive et violente, constamment imprévisible, mais jamais, jamais tuer pour le plaisir ne lui viendrait à l’idée. Pas aussi méchante qu’elle le laisse paraître ? Sûrement … parce que sous ses airs impassibles et indifférents, la jeune fille est loin d’avoir un cœur de pierre. Mais ça, elle n’est pas prête de le montrer même si sa façon de vouloir laisser les moldus en vie en est une preuve. Imaginer tuer un moldu avec un beau jet de lumière verte, c’était loin de plaire à la Serpentard, mais au contraire, aider à exterminer les sang-de-bourbes et les cracmols, c’était bien plus glorifiant. Débarrasser le monde de la vermine, des incapables, tout en laissant quelques jouets, ça, c’était ce qu’il fallait faire. Mais comme Heather venait de le faire remarquer à James, aucun des deux clans ne permettait d’arriver à un tel résultat. Alors le sien, son propre camp était sûrement la meilleure solution.

La jeune fille était encore en train de se demander ce qui avait pu froisser James, mais les paroles qu’il prononça le lui firent rapidement comprendre. En disant qu’elle préférait agir seul, elle ne l’excluait pas du tout de son projet. D’un, parce que désormais, James avait pour elle une très grande place et qu’elle n’imaginait pas une seule seconde avancer sans lui, et de deux, parce qu’elle savait très bien que totalement seule, elle n’arriverait à rien. Heather avait confiance en elle, en ses talents de sorcière et en son courage, mais elle était intelligente, et ça, ça lui permettait de savoir une chose : sans personne à ses côtés, elle serait bonne pour rejoindre ses aïeux dans le tombeau de la famille Berkeley avant l’heure, et ça, c’était hors de question. Mais James avait vu les choses autrement. Il faut dire qu’elle aurait pu s’exprimer d’une façon différente. Mais Heather, c’est Heather, et même pour James elle n’ira pas chercher autre chose que ce qu’elle a trouvé à dire. Après tout, elle met déjà assez de temps à réfléchir à ses mots, il manquerait plus qu’en plus, elle se mette à analyser les différentes façons dont son interlocuteur pourrait comprendre la chose. Cependant, le fait que James le prenne comme ça l’embêtait un peu. A la fois parce qu’il pensait peut être qu’elle voulait l’exclure de son projet, mais aussi parce que sa façon d’insister sur le « tu » et de lui expliquer les choses comme si elle s’imaginait n’importe quoi l’agaçait. Il se croyait plus malin qu’elle peut être ? Bon … pas la peine de s’embarquer dans une tonne de critique à son sujet. Après tout, c’était un peu sa faute à elle aussi, il fallait bien l’avouer. Heather hésita un instant, puis elle finit par lui dire d’une voix sèche mais avec la même hésitation que celle qui la suivait depuis de longues minutes « Je ne suis pas d’accord. Je n’aurais pas tout le monde sur le dos … je t’aurais toi … avec moi. A moins qu’on ne fasse un choix différent … ce qui est ... possible mais … je pense que ce serait étrange … très étrange ... » Heather avait le regard dans le vague. Elle ne comprenait pas trop ce qu’elle était en train de raconter à James, mais elle savait qu’elle le pensait vraiment, et c’était le plus important pour elle.

Heather resta silencieuse un moment et c’est finalement James qui brisa le silence. Une femme intelligente … il avait sûrement raison. Effectivement, elle avait choisi le bon moment pour apparaître, mais aux yeux d’Heather, James avait tord sur un point. Il existe toujours quelqu’un de plus fort. Personne n’est invincible et un adversaire à la taille de Lady Smethley existe forcément quelque part. Le problème, c’est qu’on ne sait pas encore qui sait, mais ce n’est pas le seul … Heather se demandait si elle avait réellement envie de voir surgir cette personne, si elle voulait vraiment voir Lady Smethley vaincu. Elle n’avait pas choisi son camp, et peut être qu’au final, elle se déciderait pour celui de la jeune femme, qui sait ? Mais en attendant, elle ne savait pas trop quoi répondre à James. Le regard dans le vague, elle songeait à l’avenir incertain qui s’offrait à eux. Comment le monde serait-il dans dix ans ? Dans vingt ans ? Dans trente ans ? Eux-mêmes seraient-ils encore en vis ou auraient-ils rejoints le paradis – ou l’enfer ? Heather resta ainsi, songeuse pendant de très longues minutes. Si la pluie ne s’était pas mise à tomber, la jeune fille serait sûrement restée à réfléchir pendant des heures. C’était son genre à Heather. Se mettre à penser à quelque chose et ne plus songer qu’à ça, oubliant tout le reste. Mais là, les grosses gouttes d’eau qui tombèrent d’un coup la tirèrent de ses pensées. James était déjà descendu de l’arbre et la jeune fille attrapa sa main pour descendre. Ils coururent tous les deux à travers la forêt et quittèrent les bois pour se retrouver dans le parc. Les élèves étaient tous en train de rejoindre le hall d’entrée à grandes enjambés, et les deux Serpentard ne dérogeaient pas à la règle. Heather sentait ses membres gêler petit à petit et elle accéléra le rythme. Quelques minutes plus tard, les deux adolescents passaient la grande porte de chêne et entraient dans le hall. La jeune fille adressa un sourire à son ami et dit amusée, oubliant presque qu’ils n’étaient plus seuls « Eh bien ! Je pensais pas du tout qu’il allait se mettre à pleuvoir comme ça ! »